D’habitude,
au début du printemps, les naturalistes battent la campagne. Chacun
ses lieux, ses sites de prédilection, ses espèces fétiches. A voir
arriver les premiers circaètes sur leurs fiefs, à voir apparaître
et entendre chanter les premières huppes et les premiers coucous, à
surprendre le stationnement d’un Traquet motteux en escale, tout
cela rend la période un peu excitante. Dans les forêts où
s’épanouissent des tapis d’anémones, le concert affairé des
oiseaux est en route et, dans les fossés, les constellations de
ficaires, de coucous, de pulmonaires et les rosettes des premiers
Orchis mâles réjouissent les yeux.
Aujourd’hui,
hélas, il a fallu mettre entre parenthèses nos envies folles de
campagne, nos désirs d’étangs, de prairies, de forêts, de
bocages. Un méchant petit virus fait aujourd’hui la loi et nous
condamne à nous calfeutrer, à nous recroqueviller dans l’espace
un peu étroit de notre chez nous. Côté nature, que faire sinon
faire avec !
Chanceux
celles et ceux dont les maisons tutoient la Loire. Heureux celles et
ceux habitant la lisière d’un bois ou bien dont les demeures
côtoient les champs et les prés.
Primevères acaules - Primula vulgaris - (Photo : Jean-Michel Logeais) |
Pour
moi, depuis plusieurs semaines, mon jardin, ses alentours immédiats
et le ciel par-dessus les toits sont devenus mon seul horizon
naturaliste. Un peu délaissé d’ordinaire au profit de plus larges
et de plus lointaines perspectives, ce canton exigu est devenu,
confinement oblige, l’objet de mes attentions et de mes
observations.
Jardin
de faubourg plutôt que de ville, il accueille sans façon – et
avec la complicité de ses propriétaires – nombre de végétaux
sauvages qui lui confèrent un petit air campagnard. Ici, pas de
pelouse mais plutôt une prairie. Y prospèrent, outre l’ordinaire
des Renoncules ficaires, des Primevères acaules, des Pâquerettes
vivaces et des Stellaires holostées, quelques pulmonaires
officinales, de la Petite pervenche ainsi qu’une tribu un peu
envahissante de Jacinthes des bois. Plus rares, quelques Primevères
officinales, ici et là, quelques Cardamines des prés, des
Saxifrages granolifères, et quelques Fritillaires pintades. Dans le
huis-clos de ce jardin un tantinet champêtre, que surplombe
notamment un vieux tilleul, bien d’autres herbes restent encore à
nommer ou simplement à découvrir.
Stellaires holostées - Stellaria holostea - (Photo : Jean-Michel Logeais) |
Primevères officinales - Primula veris - (Photo : Jean-Michel Logeais) |
Côté
insectes, beaucoup reste à faire et à identifier. J’observe déjà
des cohortes de Gendarmes Pyrrhocoris apterus et ai déjà
repéré le beau rouge d’un Criocère du Lis Lilioceris lilii.
Des abeilles – mais de quelle espèce ? – viennent notamment
butiner les fleurs d’un vieux poirier. Les papillons ne sont pas en
reste : plusieurs fois un Azuré sp. , un Citron, des Piérides.
Seul
représentant ici des reptiles, le Lézard des murailles. Aux heures
chaudes de la journée, quelques individus prennent le soleil sur les
pierres chaudes d’un vieux mur.
Lézard des murailles ♂ - Podarcis muralis - (Photo : Lucas Roger) |
Les
oiseaux, qui se fichent du confinement comme de leur première
rémige, animent chaque jour le jardin. Comme en témoigne au
quotidien Faune-Anjou, leur liste ne change guère de celle des
jardins ordinaires des autres confinés : merle, rouge-gorge,
mésanges bleus et charbonnières, verdiers, rouge-queues, etc.
Rougequeue noir - Phoenicurus ochruros - (Photo : Lucas Roger) |
Devenu par force sédentaire, j’observe leurs activités. Sur les cheminées des maisons mitoyennes, des couples de Choucas des tours s’affairent et bavardent, apportant régulièrement au nid des branchettes. Dans une fissure du mur de façade, un couple de Moineaux domestiques a trouvé son bonheur. Les oiseaux viennent souvent cueillir au sol mousse et herbe sèche pour en garnir leur nid. Une Fauvette à tête noire, bien cachée, commence à chanter timidement, comme s’il fallait qu’elle s’entraîne un peu avant de se lâcher complètement.
Dommage
qu’un ciel trop bleu rende plus difficile le repérage des oiseaux
de passage. Un matin pourtant, depuis l’étage, je surprends, à
contrejour, des petits groupes de fringilles remontant vers le nord.
Une autre fois, occupé à jardiner, des miaulements me font lever la
tête : deux Buses variables tournent en criant au dessus de la
maison. A quand, les glissades et les piqués des premiers Martinets
noirs dans le ciel de Cholet ?
Même
s’il nous faut rester chez nous, un coin de ciel, un jardin,
quelques arbres, un vieux mur sont autant d’occasions à saisir
pour satisfaire notre curiosité à l’égard du monde sauvage. Même
dans la banalité de notre environnement immédiat, reste toujours
quelque chose à découvrir.
Jean-Michel
Logeais