samedi 4 avril 2020

Petite chronique naturaliste en temps de confinement.

   D’habitude, au début du printemps, les naturalistes battent la campagne. Chacun ses lieux, ses sites de prédilection, ses espèces fétiches. A voir arriver les premiers circaètes sur leurs fiefs, à voir apparaître et entendre chanter les premières huppes et les premiers coucous, à surprendre le stationnement d’un Traquet motteux en escale, tout cela rend la période un peu excitante. Dans les forêts où s’épanouissent des tapis d’anémones, le concert affairé des oiseaux est en route et, dans les fossés, les constellations de ficaires, de coucous, de pulmonaires et les rosettes des premiers Orchis mâles réjouissent les yeux.

   Aujourd’hui, hélas, il a fallu mettre entre parenthèses nos envies folles de campagne, nos désirs d’étangs, de prairies, de forêts, de bocages. Un méchant petit virus fait aujourd’hui la loi et nous condamne à nous calfeutrer, à nous recroqueviller dans l’espace un peu étroit de notre chez nous. Côté nature, que faire sinon faire avec !
   Chanceux celles et ceux dont les maisons tutoient la Loire. Heureux celles et ceux habitant la lisière d’un bois ou bien dont les demeures côtoient les champs et les prés.

Primevères acaules - Primula vulgaris -
(Photo : Jean-Michel Logeais)

   Pour moi, depuis plusieurs semaines, mon jardin, ses alentours immédiats et le ciel par-dessus les toits sont devenus mon seul horizon naturaliste. Un peu délaissé d’ordinaire au profit de plus larges et de plus lointaines perspectives, ce canton exigu est devenu, confinement oblige, l’objet de mes attentions et de mes observations.

   Jardin de faubourg plutôt que de ville, il accueille sans façon – et avec la complicité de ses propriétaires – nombre de végétaux sauvages qui lui confèrent un petit air campagnard. Ici, pas de pelouse mais plutôt une prairie. Y prospèrent, outre l’ordinaire des Renoncules ficaires, des Primevères acaules, des Pâquerettes vivaces et des Stellaires holostées, quelques pulmonaires officinales, de la Petite pervenche ainsi qu’une tribu un peu envahissante de Jacinthes des bois. Plus rares, quelques Primevères officinales, ici et là, quelques Cardamines des prés, des Saxifrages granolifères, et quelques Fritillaires pintades. Dans le huis-clos de ce jardin un tantinet champêtre, que surplombe notamment un vieux tilleul, bien d’autres herbes restent encore à nommer ou simplement à découvrir.

Stellaires holostées - Stellaria holostea -
(Photo : Jean-Michel Logeais)
Primevères officinales - Primula veris -
(Photo : Jean-Michel Logeais)

   Côté insectes, beaucoup reste à faire et à identifier. J’observe déjà des cohortes de Gendarmes Pyrrhocoris apterus et ai déjà repéré le beau rouge d’un Criocère du Lis Lilioceris lilii. Des abeilles – mais de quelle espèce ? – viennent notamment butiner les fleurs d’un vieux poirier. Les papillons ne sont pas en reste : plusieurs fois un Azuré sp. , un Citron, des Piérides.
   Seul représentant ici des reptiles, le Lézard des murailles. Aux heures chaudes de la journée, quelques individus prennent le soleil sur les pierres chaudes d’un vieux mur.

Lézard des murailles ♂ - Podarcis muralis -
(Photo : Lucas Roger)

   Les oiseaux, qui se fichent du confinement comme de leur première rémige, animent chaque jour le jardin. Comme en témoigne au quotidien Faune-Anjou, leur liste ne change guère de celle des jardins ordinaires des autres confinés : merle, rouge-gorge, mésanges bleus et charbonnières, verdiers, rouge-queues, etc.

Rougequeue noir - Phoenicurus ochruros -
(Photo : Lucas Roger)

   Devenu par force sédentaire, j’observe leurs activités. Sur les cheminées des maisons mitoyennes, des couples de Choucas des tours s’affairent et bavardent, apportant régulièrement au nid des branchettes. Dans une fissure du mur de façade, un couple de Moineaux domestiques a trouvé son bonheur. Les oiseaux viennent souvent cueillir au sol mousse et herbe sèche pour en garnir leur nid. Une Fauvette à tête noire, bien cachée, commence à chanter timidement, comme s’il fallait qu’elle s’entraîne un peu avant de se lâcher complètement.
   Dommage qu’un ciel trop bleu rende plus difficile le repérage des oiseaux de passage. Un matin pourtant, depuis l’étage, je surprends, à contrejour, des petits groupes de fringilles remontant vers le nord. Une autre fois, occupé à jardiner, des miaulements me font lever la tête : deux Buses variables tournent en criant au dessus de la maison. A quand, les glissades et les piqués des premiers Martinets noirs dans le ciel de Cholet ?

   Même s’il nous faut rester chez nous, un coin de ciel, un jardin, quelques arbres, un vieux mur sont autant d’occasions à saisir pour satisfaire notre curiosité à l’égard du monde sauvage. Même dans la banalité de notre environnement immédiat, reste toujours quelque chose à découvrir.

Jean-Michel Logeais