« Petit coup d’oeil à
ces insectes qui charment ou qui agacent »
Au rendez-vous donné à 14
h ce samedi, nous sommes 7 venus parcourir la bordure du lac du
Verdon en aval de « la réserve de pêche de la Brosse »
sur la commune de La Tessoualle. Il y a là un chemin piétonnier
bordé de haies basses plus ou moins ouvertes par places, longeant un
fossé profond qui abrite une végétation de type aquatique, bien
asséchée ce jour. Entre le chemin et la limite du lac, une petite
prairie s’étire, bien pourvue en fleurs et hautes graminées. La
partie haute du lac est partiellement occupée par une saulaie qui
prend de l’importance année après année. Le niveau d’eau, qui
fluctue selon les précipitations annuelles et la régulation du
barrage, est depuis bien longtemps suffisamment bas pour offrir une
large surface exondée où se développe une végétation pionnière
propre à cette situation. L’abondance des matricaires camomilles
en illustre une des conséquences.
Sur cet ensemble, citons la
présence de quelques groupes de plantes, arbustives ou à fleurs,
particulièrement favorables à l’activité des insectes :
saules, ronces, ajoncs, ombellifères, achillées, marguerites et
autres composées, cirses et chardons, trèfles, menthes, oseilles et
renouées, centaurées, mauves, épilobes, gaillets, liserons,
millepertuis, … de quoi satisfaire ces petites bêtes, butineuses
ou dévoreuses, mais aussi ceux qui, comme nous, tentent aujourd’hui
de les débusquer.
« Milieu parcouru »
(photo : Michel)
Après quelques échanges d’infos entre participants, il est temps
d’entamer la balade vers l’espace choisi pour nos recherches. Si
certains parmi nous consacrent beaucoup de temps à l’observation
des insectes, dans le but d’inventaires ou d’atlas de quelques
familles, d’autres ne les observent qu’occasionnellement, mais
tous nous remarquons qu’il est souvent difficile de les nommer
spécifiquement.
Sur la haute végétation de plantes à fleurs et graminées, un
papillon, puis un autre, attire vite le regard et nous tentons des
approches désordonnées pour en décliner l’identité et si
possible le photographier. Ainsi, mètre après mètre, papillons,
libellules, coléoptères, punaises … et autres abeilles, bourdons,
mouches … vont attiser au hasard la curiosité de chacun, modifiant
quelque peu l’itinéraire prévu. Après une demi-heure, nous
sommes toujours à moins de 50 m du point de départ et nous
comprenons vite qu’il n’est pas besoin d’aller loin pour se
convaincre de la densité et de la diversité du monde entomologique.
Nous reprenons le bon chemin pour gagner les zones évoquées plus
haut. En même temps, la prospection se poursuit, le plus souvent à
vue pour les insectes les plus voyants (papillons, libellules,
grands coléoptères …) mais aussi par recherche des plus discrets
en scrutant les inflorescences diverses. Les plus petites espèces
sont parfois convoitées à l’aide du filet fauchoir (dans les
hautes herbes) ou du filet japonais (battage des branches basses).
A chaque question que l’un ou l’autre se pose, la réponse peut
être rapide et catégorique, bien des espèces peuvent être
identifiées sur le terrain. Cependant, il arrive plus souvent de
n’arriver qu’au nom de genre, voire qu’à celui de la famille.
Dans certains groupes, la diversité et la similitude des espèces
nécessitent parfois un regard sous la bino voire même l’extraction
des genitalia pour une détermination avérée. Telle n’est
pas la démarche aujourd’hui, et nous nous contentons d’observer
de près chaque individu rencontré, familier ou non, pour lui donner
si possible un nom ou le situer au plus proche dans la
classification. A ce jeu, devant chaque énigme proposée, Yann est
des plus sollicités.
« Naturalistes
curieux » (photo : Cassandre)
Macro aperçu d’une hyper
diversité …
Bien modeste en effet le regard porté ici,
devant la foultitude d’Insectes qui nous entourent … Sur notre
planète, 3 animaux sur 4 sont des insectes dont plus d’un
million d’espèces ont été répertoriées (35200 en France), de
très nombreuses restant à décrire. Cette compilation de nos
observations du jour, livrée dans l’ordre aléatoire des familles
concernées, permettra aux participants de les ressortir de leur
mémoire et aux autres lecteurs de faire le constat de la diversité
locale. Les nombres livrés (à titre indicatif) pour chaque groupe
ou famille sont des estimations, parfois assez inégales selon les
sources.
Des Lépidoptères (papillons)
(Monde : plus de 200000 - France : 5000 nocturnes et
250 diurnes)
… parmi les diurnes (Rhopalocères), le plus représenté
aujourd’hui est sans conteste le Demi-Deuil (plus de 100
voletant au-dessus de la prairie), accompagné ici et là de Myrtils
et Tircis, de Piérides dont 3 espèces sont vues (du
chou, du navet et de la rave). Il y a aussi des Hespéries
comme le Point-de-Hongrie et la Sylvaine, quelques
Soucis et Paons-du-jour sur les centaurées, ainsi que
des Azurés dont le commun Collier-de-corail. Et pour
finir, pas rare mais inoubliable, ce Petit Nacré qui exhibe
le superbe revers de ses ailes tandis qu’il butine.
… parmi les nocturnes (Hétérocères), Cathy photographie une
belle petite Noctuelle, permettant de l’identifier a
posteriori, il s’agit de la Doublure jaune à activité
diurne. Autre Noctuelle, cette très belle chenille très
pâle, marbrée et veinée de vert ; observée sur la matricaire
camomille (bien implantée sur l’espace exondé du lac), elle porte
justement le nom de Cucullie de la camomille.
Des Odonates (libellules)
(Monde : 5700 – France : 100 – Anjou : 64)
… nous n’avons pas fait la démarche de recherche près de l’eau
… Aussi, dans les espaces secs de nos investigations nous n’avons
surpris que peu d’espèces : l’Agrion à larges pattes,,
le Gomphe gentil, l’imposant Anax empereur venu
survoler la prairie et aussi l’Orthétrum à stylets blancs
dans la partie exondée et dont il n’est pas sûr qu’il fut déjà
observé ici.
Des Orthoptères (sauterelles,
criquets, grillons)
(Monde : 17000 – France : 240 – Anjou : 70)
… comment ne pas les remarquer dans la strate herbacée de la
prairie ? S’agrippant aux herbes et se projetant par sauts
démesurés, ils évoluent en grouillantes populations
(criquets) ou plus solitairement (sauterelles), tandis que le grillon
occupe au sol quelque terrier creusé par ses soins. En cette saison,
de nombreux individus parmi les sauterelles sont encore à un stade
immature ne permettant pas toujours une identification fiable. Nous
retiendrons cependant la rencontre avec la Grande Sauterelle
Verte, le Conocéphale des roseaux et le Phanéroptère
méridional.(donnant l’occasion d’examiner l’oviscape d’une
femelle). Les stridulations du Grillon champêtre n’auront
pas non plus échappé à certains d’entre nous.
Des Diptères (mouches,
moustiques, tipules, syrphes …)
(Monde : > 120000 – France : 8000)
… dotés d’une seule paire d’ailes, la deuxième étant réduite
à des bâtonnets, les individus de cette grande famille se divisent
en groupes bien distincts (mouches, moustiques, tipules, syrphes …).
Chacun étant souvent représenté par un grand nombre d’espèces,
il est affaire de spécialistes de les différencier. Quant à nous,
qui n’avons pas les compétences requises mais seulement l’image
imprécise des principaux représentants, nous ne pouvons prétendre
identifier les sujets rencontrés. Nous saurons toutefois observer
quelques mouches et autres syrphes, ici et là sur les
inflorescences, certains d’entre nous se hasardant même à
quelques clichés.
Des Hyménoptères (abeilles,
guêpes, bourdons, fourmis, ichneùmons, symphytes …)
(Monde : > 250000 – France : 8000)
… avec deux paires d’ailes membraneuses (sauf ouvrières chez les
fourmis), ces insectes constituent des groupes bien établis et que
nous connaissons bien. Mais dans le détail, pour preuve de leur
grande diversité et pour mesurer la difficulté
d’identification des espèces voici quelques estimations (relevées
de sources diverses) qui rebutent souvent les néophytes : en France
on a recensé plus de 2700 Ichneumons, environ 850 Abeilles, 35
Bourdons, près de 800 Symphytes (110 en Anjou), 215 Fourmis, 150
Pompiles (Guêpes solitaires), 137 Guêpes maçonnes, 20 Guêpes
sociales, …
… L’un ou l’autre aujourd’hui fera part de l’observation,
ici d’Abeilles (dont forcément la classique mellifère
ou domestique) ou de Guêpes et là de quelques Bourdons
ou Fourmis, mais nul ne s’est imposé l’exercice ardu de
la détermination. Néanmoins, Yann nous précisera parfois
l’appartenance de certains sujets à des genres connus :
Andrena, Bombus, Polistes, Vespula, …
Des Hémiptères (dont font partie les 2 grandes divisions
ci-après)
(Monde : 80000)
- Homoptères (cicadelles,
cigales, pucerons …)
(France : 20 cigales ; > 500 cicadelles)
… bien sûr ce jour, des pucerons se sont montrés sur les herbes
et plantes à fleurs, ainsi que de nombreuses petites cicadelles …
que nous n’avons pas tenté de déterminer.
- Hétéroptères (punaises,
…)
(Monde : > 40000 – France : 2000)
… encore une famille offrant de nombreuses espèces que le non
initié aura du mal à nommer. Si nous pouvons en juger au vu des
diverses espèces qui se sont montrées, il y en aura toujours au
moins une qui dérogera à la règle, celle-ci par exemple, rayée de
rouge et de noir et remarquée par tous sur les ombellifères :
c’est la Punaise arlequin aussi appelé Graphosome rayé ou
Pentatome italien. Il sera vu aussi une Réduve et un Coréus
marginé.
Des Coléoptères (avec à suivre les familles
concernées ce jour)
(Monde : > 300000 – France :10000)
- coccinelles
(Monde : > 3000 – France : 90 – Anjou : 68)
… pour ne citer en l’occurrence que la Coccinelle à damier,
la Coccinelle à 16 points, la Coccinelle des friches
et l’inévitable Coccinelle asiatique … sachant que sur ce
site ont aussi été recensées : la Coccidule des marais, la
Coccinelle rose, la Coccinelle à 10 points, la Coccinelle des saules
et la minuscule Stethorus pusillus …
- longicornes
(Monde : > 25000 – France : 246 – Anjou :
110)
… souvent spectaculaires, ils séduisent par leur allure élancée,
leurs antennes très longues et parfois leurs dessins et coloris
surprenants. Aujourd’hui, nous avons surpris quelques Leptures
sur les marguerites ou les achillées, plusieurs Agapanthies du
chardon mais nous retiendrons surtout ces 2 sujets, bien plus
rares, de Chlorophore ou Clyte sarcleur sortis du filet
de Yann.
- chrysomèles
(Monde : > 30000 – France : 840 – Anjou : >
300)
… concernant cette famille de coléoptères, pour laquelle je
consacre beaucoup de temps dans le but d’inventaire départemental,
plus de 25 espèces ont déjà été recensées dans ce site cette
année. Sujets de petite (2 à 4 mm) ou moyenne (4 à 10 mm) taille,
on les débusque le plus souvent par fauchage des hautes herbes ou
par battage des branches. Je ne citerai ce jour que le très commun
léma à pieds noirs, reconnaissable à son habit bicolore,
bleu-vert métallique et orange et ses tarses noirs au bout des
pattes oranges. Il faut dire pour cette famille, comme pour la
suivante, que l’identification de nombreuses espèces nécessite la
capture d’individus pour un contrôle sous binoculaire, conduisant
souvent à l’extraction des genitalia.
- charançons
(Monde : > 60000 – France : > 1500 – Anjou :
110)
… chacun a en mémoire l’allure caractéristique des charançons,
mais certains parmi eux peuvent différer de cette « norme »
ou sont très discrets. Comme pour les chrysomèles la recherche se
fera en usant du filet-fauchoir, du parapluie japonais et aussi du
tamis pour la litière. Très nombreux (en France c’est la famille
de coléoptères la plus importante), le naturaliste en vadrouille ne
peut manquer d’en voir beaucoup mais il devra souvent les récolter
pour un examen à la bino s’il veut mettre un nom dessus. Yann,
spécialiste de ce groupe, pourrait nous en dire beaucoup plus mais
le sujet est trop pointu pour occuper une place dans notre démarche
de sortie.
- cantharides, oedemeres
… entre autres familles de coléoptères, signalons chez les
cantharides, les observations répétées de Téléphore fauve
et celle occasionnelle d’un probable Téléphore moine, tous
les deux très communs. Chez les Oedemères, qui fournissent aussi
plusieurs espèces parfois proches, nous retiendrons le bien connu
Oedemère noble, à l’habit vert métallique rutilant et
dont le mâle exhibe des fémurs postérieurs exagérément renflés.
Autres invertébrés (araignées,
opilions, …)
Au hasard de nos pérégrinations, la grosse larve d’une chrysope
indéterminée (Névroptère) captera un moment notre
attention. Yann nous montre la grosse pince dont le mâle est équipé
et nous informe de l’utilité de l’espèce pour le jardin.
Ici et là, des araignées titillent notre curiosité. Parmi elles,
nous reconnaîtrons quelques orbitèles dont l’Argiope frelon
ou Epeire fasciée. Il faut les chercher mais les araignées crabes
sont bien là, comme la Misumène (ou Thomise) variable,
à l’affût sous les marguerites, et l’étonnante Araignée
Napoléon (ou Thomise globuleuse) qui a pu être récoltée et
aussi photographiée. La Pisaure admirable est aussi présente
dans la végétation basse, juste au-dessus des nombreuses Lycoses
(ou araignées loups) qui courent au sol. Un regard approché sur
quelques Opilions nous permet de voir une des différences
bien visible qui les sépare des araignées : leur corps est
d’un seul bloc, sans resserrement entre thorax et abdomen. On a
donné à ces espèces familières le nom de « Faucheux ».
« la
Noctuelle
jaunâtre sur centaurée » (photo : Michel)
EN CONCLUSION …
Ce petit tour des observations du jour, vers une macrofaune souvent
des plus familières mais qui ne s’offre pas toujours facilement à
nos regards, devrait permettre à l’avenir d’avoir une approche
différente et plus curieuse de ce monde entomologique qui, nous
avons pu en juger, a de quoi surprendre et séduire.
Michel
CHARRIER