vendredi 14 juillet 2017

SORTIE LPO Mauges du 24 juin 2017

« Petit coup d’oeil à ces insectes qui charment ou qui agacent »
 
Au rendez-vous donné à 14 h ce samedi, nous sommes 7 venus parcourir la bordure du lac du Verdon en aval de « la réserve de pêche de la Brosse » sur la commune de La Tessoualle. Il y a là un chemin piétonnier bordé de haies basses plus ou moins ouvertes par places, longeant un fossé profond qui abrite une végétation de type aquatique, bien asséchée ce jour. Entre le chemin et la limite du lac, une petite prairie s’étire, bien pourvue en fleurs et hautes graminées. La partie haute du lac est partiellement occupée par une saulaie qui prend de l’importance année après année. Le niveau d’eau, qui fluctue selon les précipitations annuelles et la régulation du barrage, est depuis bien longtemps suffisamment bas pour offrir une large surface exondée où se développe une végétation pionnière propre à cette situation. L’abondance des matricaires camomilles en illustre une des conséquences.
Sur cet ensemble, citons la présence de quelques groupes de plantes, arbustives ou à fleurs, particulièrement favorables à l’activité des insectes : saules, ronces, ajoncs, ombellifères, achillées, marguerites et autres composées, cirses et chardons, trèfles, menthes, oseilles et renouées, centaurées, mauves, épilobes, gaillets, liserons, millepertuis, … de quoi satisfaire ces petites bêtes, butineuses ou dévoreuses, mais aussi ceux qui, comme nous, tentent aujourd’hui de les débusquer.
« Milieu parcouru » (photo : Michel)
Après quelques échanges d’infos entre participants, il est temps d’entamer la balade vers l’espace choisi pour nos recherches. Si certains parmi nous consacrent beaucoup de temps à l’observation des insectes, dans le but d’inventaires ou d’atlas de quelques familles, d’autres ne les observent qu’occasionnellement, mais tous nous remarquons qu’il est souvent difficile de les nommer spécifiquement.
Sur la haute végétation de plantes à fleurs et graminées, un papillon, puis un autre, attire vite le regard et nous tentons des approches désordonnées pour en décliner l’identité et si possible le photographier. Ainsi, mètre après mètre, papillons, libellules, coléoptères, punaises … et autres abeilles, bourdons, mouches … vont attiser au hasard la curiosité de chacun, modifiant quelque peu l’itinéraire prévu. Après une demi-heure, nous sommes toujours à moins de 50 m du point de départ et nous comprenons vite qu’il n’est pas besoin d’aller loin pour se convaincre de la densité et de la diversité du monde entomologique.
Nous reprenons le bon chemin pour gagner les zones évoquées plus haut. En même temps, la prospection se poursuit, le plus souvent à vue pour les insectes les plus voyants (papillons, libellules, grands coléoptères …) mais aussi par recherche des plus discrets en scrutant les inflorescences diverses. Les plus petites espèces sont parfois convoitées à l’aide du filet fauchoir (dans les hautes herbes) ou du filet japonais (battage des branches basses).
A chaque question que l’un ou l’autre se pose, la réponse peut être rapide et catégorique, bien des espèces peuvent être identifiées sur le terrain. Cependant, il arrive plus souvent de n’arriver qu’au nom de genre, voire qu’à celui de la famille. Dans certains groupes, la diversité et la similitude des espèces nécessitent parfois un regard sous la bino voire même l’extraction des genitalia pour une détermination avérée. Telle n’est pas la démarche aujourd’hui, et nous nous contentons d’observer de près chaque individu rencontré, familier ou non, pour lui donner si possible un nom ou le situer au plus proche dans la classification. A ce jeu, devant chaque énigme proposée, Yann est des plus sollicités.
« Naturalistes curieux » (photo : Cassandre)

Macro aperçu d’une hyper diversité …

Bien modeste en effet le regard porté ici, devant la foultitude d’Insectes qui nous entourent … Sur notre planète, 3 animaux sur 4 sont des insectes dont plus d’un million d’espèces ont été répertoriées (35200 en France), de très nombreuses restant à décrire. Cette compilation de nos observations du jour, livrée dans l’ordre aléatoire des familles concernées, permettra aux participants de les ressortir de leur mémoire et aux autres lecteurs de faire le constat de la diversité locale. Les nombres livrés (à titre indicatif) pour chaque groupe ou famille sont des estimations, parfois assez inégales selon les sources.

Des Lépidoptères (papillons)
(Monde : plus de 200000 - France : 5000 nocturnes et 250 diurnes)
… parmi les diurnes (Rhopalocères), le plus représenté aujourd’hui est sans conteste le Demi-Deuil (plus de 100 voletant au-dessus de la prairie), accompagné ici et là de Myrtils et Tircis, de Piérides dont 3 espèces sont vues (du chou, du navet et de la rave). Il y a aussi des Hespéries comme le Point-de-Hongrie et la Sylvaine, quelques Soucis et Paons-du-jour sur les centaurées, ainsi que des Azurés dont le commun Collier-de-corail. Et pour finir, pas rare mais inoubliable, ce Petit Nacré qui exhibe le superbe revers de ses ailes tandis qu’il butine.
… parmi les nocturnes (Hétérocères), Cathy photographie une belle petite Noctuelle, permettant de l’identifier a posteriori, il s’agit de la Doublure jaune à activité diurne. Autre Noctuelle, cette très belle chenille très pâle, marbrée et veinée de vert ; observée sur la matricaire camomille (bien implantée sur l’espace exondé du lac), elle porte justement le nom de Cucullie de la camomille.

Des Odonates (libellules)
(Monde : 5700 – France : 100 – Anjou : 64)
… nous n’avons pas fait la démarche de recherche près de l’eau … Aussi, dans les espaces secs de nos investigations nous n’avons surpris que peu d’espèces : l’Agrion à larges pattes,, le Gomphe gentil, l’imposant Anax empereur venu survoler la prairie et aussi l’Orthétrum à stylets blancs dans la partie exondée et dont il n’est pas sûr qu’il fut déjà observé ici.

Des Orthoptères (sauterelles, criquets, grillons)
(Monde : 17000 – France : 240 – Anjou : 70)
… comment ne pas les remarquer dans la strate herbacée de la prairie ? S’agrippant aux herbes et se projetant par sauts démesurés, ils évoluent en grouillantes populations (criquets) ou plus solitairement (sauterelles), tandis que le grillon occupe au sol quelque terrier creusé par ses soins. En cette saison, de nombreux individus parmi les sauterelles sont encore à un stade immature ne permettant pas toujours une identification fiable. Nous retiendrons cependant la rencontre avec la Grande Sauterelle Verte, le Conocéphale des roseaux et le Phanéroptère méridional.(donnant l’occasion d’examiner l’oviscape d’une femelle). Les stridulations du Grillon champêtre n’auront pas non plus échappé à certains d’entre nous.

Des Diptères (mouches, moustiques, tipules, syrphes …)
(Monde : > 120000 – France : 8000)
… dotés d’une seule paire d’ailes, la deuxième étant réduite à des bâtonnets, les individus de cette grande famille se divisent en groupes bien distincts (mouches, moustiques, tipules, syrphes …). Chacun étant souvent représenté par un grand nombre d’espèces, il est affaire de spécialistes de les différencier. Quant à nous, qui n’avons pas les compétences requises mais seulement l’image imprécise des principaux représentants, nous ne pouvons prétendre identifier les sujets rencontrés. Nous saurons toutefois observer quelques mouches et autres syrphes, ici et là sur les inflorescences, certains d’entre nous se hasardant même à quelques clichés.

Des Hyménoptères (abeilles, guêpes, bourdons, fourmis, ichneùmons, symphytes …)
(Monde : > 250000 – France : 8000)
… avec deux paires d’ailes membraneuses (sauf ouvrières chez les fourmis), ces insectes constituent des groupes bien établis et que nous connaissons bien. Mais dans le détail, pour preuve de leur grande diversité et pour mesurer la difficulté d’identification des espèces voici quelques estimations (relevées de sources diverses) qui rebutent souvent les néophytes : en France on a recensé plus de 2700 Ichneumons, environ 850 Abeilles, 35 Bourdons, près de 800 Symphytes (110 en Anjou), 215 Fourmis, 150 Pompiles (Guêpes solitaires), 137 Guêpes maçonnes, 20 Guêpes sociales, …
… L’un ou l’autre aujourd’hui fera part de l’observation, ici d’Abeilles (dont forcément la classique mellifère ou domestique) ou de Guêpes et là de quelques Bourdons ou Fourmis, mais nul ne s’est imposé l’exercice ardu de la détermination. Néanmoins, Yann nous précisera parfois l’appartenance de certains sujets à des genres connus : Andrena, Bombus, Polistes, Vespula, …

Des Hémiptères (dont font partie les 2 grandes divisions ci-après)
(Monde : 80000)
- Homoptères (cicadelles, cigales, pucerons …)
(France : 20 cigales ; > 500 cicadelles)
… bien sûr ce jour, des pucerons se sont montrés sur les herbes et plantes à fleurs, ainsi que de nombreuses petites cicadelles … que nous n’avons pas tenté de déterminer.
- Hétéroptères (punaises, …)
(Monde : > 40000 – France : 2000)
… encore une famille offrant de nombreuses espèces que le non initié aura du mal à nommer. Si nous pouvons en juger au vu des diverses espèces qui se sont montrées, il y en aura toujours au moins une qui dérogera à la règle, celle-ci par exemple, rayée de rouge et de noir et remarquée par tous sur les ombellifères : c’est la Punaise arlequin aussi appelé Graphosome rayé ou Pentatome italien. Il sera vu aussi une Réduve et un Coréus marginé.

Des Coléoptères (avec à suivre les familles concernées ce jour)
(Monde : > 300000 – France :10000)
- coccinelles (Monde : > 3000 – France : 90 – Anjou : 68)
… pour ne citer en l’occurrence que la Coccinelle à damier, la Coccinelle à 16 points, la Coccinelle des friches et l’inévitable Coccinelle asiatique … sachant que sur ce site ont aussi été recensées : la Coccidule des marais, la Coccinelle rose, la Coccinelle à 10 points, la Coccinelle des saules et la minuscule Stethorus pusillus
- longicornes (Monde : > 25000 – France : 246 – Anjou : 110)
… souvent spectaculaires, ils séduisent par leur allure élancée, leurs antennes très longues et parfois leurs dessins et coloris surprenants. Aujourd’hui, nous avons surpris quelques Leptures sur les marguerites ou les achillées, plusieurs Agapanthies du chardon mais nous retiendrons surtout ces 2 sujets, bien plus rares, de Chlorophore ou Clyte sarcleur sortis du filet de Yann.
- chrysomèles (Monde : > 30000 – France : 840 – Anjou : > 300)
… concernant cette famille de coléoptères, pour laquelle je consacre beaucoup de temps dans le but d’inventaire départemental, plus de 25 espèces ont déjà été recensées dans ce site cette année. Sujets de petite (2 à 4 mm) ou moyenne (4 à 10 mm) taille, on les débusque le plus souvent par fauchage des hautes herbes ou par battage des branches. Je ne citerai ce jour que le très commun léma à pieds noirs, reconnaissable à son habit bicolore, bleu-vert métallique et orange et ses tarses noirs au bout des pattes oranges. Il faut dire pour cette famille, comme pour la suivante, que l’identification de nombreuses espèces nécessite la capture d’individus pour un contrôle sous binoculaire, conduisant souvent à l’extraction des genitalia.
- charançons (Monde : > 60000 – France : > 1500 – Anjou : 110)
… chacun a en mémoire l’allure caractéristique des charançons, mais certains parmi eux peuvent différer de cette « norme » ou sont très discrets. Comme pour les chrysomèles la recherche se fera en usant du filet-fauchoir, du parapluie japonais et aussi du tamis pour la litière. Très nombreux (en France c’est la famille de coléoptères la plus importante), le naturaliste en vadrouille ne peut manquer d’en voir beaucoup mais il devra souvent les récolter pour un examen à la bino s’il veut mettre un nom dessus. Yann, spécialiste de ce groupe, pourrait nous en dire beaucoup plus mais le sujet est trop pointu pour occuper une place dans notre démarche de sortie.
- cantharides, oedemeres
… entre autres familles de coléoptères, signalons chez les cantharides, les observations répétées de Téléphore fauve et celle occasionnelle d’un probable Téléphore moine, tous les deux très communs. Chez les Oedemères, qui fournissent aussi plusieurs espèces parfois proches, nous retiendrons le bien connu Oedemère noble, à l’habit vert métallique rutilant et dont le mâle exhibe des fémurs postérieurs exagérément renflés.

Autres invertébrés (araignées, opilions, …)
Au hasard de nos pérégrinations, la grosse larve d’une chrysope indéterminée (Névroptère) captera un moment notre attention. Yann nous montre la grosse pince dont le mâle est équipé et nous informe de l’utilité de l’espèce pour le jardin.
Ici et là, des araignées titillent notre curiosité. Parmi elles, nous reconnaîtrons quelques orbitèles dont l’Argiope frelon ou Epeire fasciée. Il faut les chercher mais les araignées crabes sont bien là, comme la Misumène (ou Thomise) variable, à l’affût sous les marguerites, et l’étonnante Araignée Napoléon (ou Thomise globuleuse) qui a pu être récoltée et aussi photographiée. La Pisaure admirable est aussi présente dans la végétation basse, juste au-dessus des nombreuses Lycoses (ou araignées loups) qui courent au sol. Un regard approché sur quelques Opilions nous permet de voir une des différences bien visible qui les sépare des araignées : leur corps est d’un seul bloc, sans resserrement entre thorax et abdomen. On a donné à ces espèces familières le nom de « Faucheux ».
« la Noctuelle jaunâtre sur centaurée » (photo : Michel)

EN CONCLUSION …
Ce petit tour des observations du jour, vers une macrofaune souvent des plus familières mais qui ne s’offre pas toujours facilement à nos regards, devrait permettre à l’avenir d’avoir une approche différente et plus curieuse de ce monde entomologique qui, nous avons pu en juger, a de quoi surprendre et séduire.

Michel CHARRIER