« L’Orchis punaise »
Le 13 mai dernier, un des rares
« beaux » jours d’un printemps particulièrement arrosé et frais, je
pars au SE de Cholet, là où je prospecte régulièrement depuis trois ans dans le
cadre de l’atlas national des oiseaux nicheurs. J’essaie à chaque fois de
varier itinéraires et étapes. Cette fois je m’arrête dans une zone bocagère, à
l’entrée d’une route de ferme bordée, sur un de ses côtés, par une vaste
prairie humide semi-naturelle de plusieurs hectares. C’est un site que je
connais depuis des années et que je sais riche en différentes espèces
d’orchidées (Orchis ustulata, O. morio,
O. laxiflora, Coeloglossum viride…). La végétation n’est pas encore bien
haute et, de la route, j’aperçois à la surface de la prairie la ponctuation
aléatoire des nombreuses hampes fleuries d’O.
laxiflora.
Délaissant pour un instant mon
intérêt pour les oiseaux, je décide d’entrer dans la parcelle que je commence à
explorer sur une bande d’une trentaine de mètres, à l’angle de la route et du
chemin. Beaucoup d’humidité dans le sol, parfois jusqu’à le rendre un peu
spongieux et surtout beaucoup d’orchidées fleuries : O. ustulata et O. laxiflora
principalement. Dans ce labyrinthe de tiges quelques pieds, pas très hauts,
attirent néanmoins mon attention ; épi relativement compact aux fleurs
formées d’une sorte de casque brun rouge et strié de raies vertes plus foncées
et d’un labelle assez réduit fait d’un mélange de pourpre et de vert. Je n’ai
pas vu cette espèce depuis longtemps mais j’ai de fortes présomptions pour Orchis coriophora, une espèce rare dont
je dénombre une petite vingtaine de pieds dont certains pas encore totalement
fleuris.
Dés mon retour je préviens de ma
découverte mais aussi de mes doutes les orchidophiles avertis de l’association.
Quelques jours plus tard l’un puis deux autres vont sur le site et confirment
la découverte. Il s’agit bien de l’Orchis punaise, la sous-espèce type (O. c. coriophora) à forte odeur de
punaise ce qui lui a valu ce nom. Après deux visites Eric en dénombre 71 pieds et redécouvre,
par la même occasion, la présence de l’Orchis grenouille (C. viridis), autre espèce de prairies humides que Michel et Patrice
évalueront de leur côté à environ une centaine de pieds. A noter aussi la bonne
présence d’une autre orchidée accompagnant très souvent ces deux dernières dans
ce type de milieu : Dactylorhiza
gr. maculata.
Cette nouvelle station d’O. coriophora se situe à environ sept kilomètres
de la fameuse prairie de Vezins, à une dizaine
de kilomètres de celle de Toutlemonde et
presque autant de celle des Poteries, trois sites où cette espèce était connue
mais sur lesquels aucune observation n’a été faite dans les années 2000 hormis celle
concernant le site de Toutlemonde avec une donnée unique le 18 mai 2008 et concernant un
seul pied fleuri repéré.
Reste que cette découverte du
printemps 2012 confirme le sud des Mauges comme un bastion important d’une
espèce très rare dans l’ensemble du Massif Armoricain et considérée très
menacée et en régression généralisée sur le plan national. Comment protéger
efficacement cette espèce et son milieu ? Il y a urgence. Dans tous les
cas, un beau programme de recherches pour l’an prochain : l’exploration
systématique d’un site qui n’a peut-être pas encore révélé toutes ses
richesses.
Jean-Michel LOGEAIS 24/06/2012